Le restaurant japonais

Je me souviens de ce jour, de cette odeur d’encens qui parfumais la pièce, de ces personnes qui allaient et venaient inconscient de mon trouble, du bourdonnement que faisait mon cœur. Je me souviens de tout et pourtant ton visage reste flou. Je me souviens de tout mais ta voix n’est plus qu’un chuchotement à mes oreilles.

Si j’avais sus …

 Je ne me souviens plus vraiment de la raison qui m’avait poussé à franchir cette porte. Petite citadine française j’ignorais tout de cette culture du pays du Soleil Levant. Je ne m’y étais jamais intéresser, préférant rester dans mon quotidien monotone où l’imprévu n’est pas au rendez-vous. Et pourtant en ce jour d’automne j’avais poussé la porte de ton restaurant, je m’étais assise à une table reculée et avais lu le menu.

Je ne comprenais pas les plats, je ne comprenais pas leur composition. Mélange de français et de japonais. Mélange de deux cultures aussi éloignée que peut l’être le jour de la nuit. Pourquoi étais-je alors rentrée ? Je l’ignore encore. Comment faire dans ce cas ? Comment paraître normal, à sa place quand tout vous semble venir d’une autre planète ? Au bout de longues minutes à essayer de comprendre des plats tous plus étranges les uns que les autres je m’étais résignée à appeler un serveur.

Si j’avais sus …

Et ce fut toi qui apparus. Dans ton uniforme immaculé, ton cahier à la main et ton crayon prêt à noter, tu attendis patiemment que je passe commande. Gênée je t’avais souris, un peu honteuse de t’avouer mon ignorance. Pris dans mon anxiété je n’avais pas vraiment fais attention à toi. Mais quand ton rire atteignit mes oreilles je relevais la tête, surprise. Tu t’excusas humblement et me recommanda plusieurs plats. Tandis que tu parlais, expliquant en détails chaque composition, je pris le temps de te détailler. Un visage asiatique qui ressemblait selon moi à tes autres collègues, tu dégageais pourtant un charme qui ne me laissait pas indifférente.

Une fois que tu as finis de tout expliquer tu me souris, bien conscient de mon regard sur toi. Je rougis avant de commander le premier plat qui me sautait aux yeux. On aurait pu me prendre pour une lycéenne qui venait d’avoir son premier béguin.

Si j’avais sus …

Je ne me souviens pas de mon repas. Je ne me souviens pas comment on en était arrivé à nous revoir mais une semaine après tu m’as invité à un rendez-vous. Tout m’a paru magique ; j’étais en plein rêve ! C’est la première fois que je me sens aussi vivante, autant aimée. Je ne peux que tomber un peu plus amoureuse de toi à chaque instant passé à tes côtés.

Si j’avais sus …

Si j’avais sus que te rencontrer aurait provoqué un changement dans ma vie peut-être aurais-je réfléchis avant de me lancer à corps perdu. Mais pour l’heure je ne sens plus que les ailes dans mon dos qui m’invitent à prendre mon envol. Je ne sens plus que le vent autour de moi, me faisant comprendre mon état. Je n’entends plus que les gyrophares au loin voulant sauver une vie déjà partie. Je n’entends plus que les chuchotements de ces anges qui m’appellent. Derrière moi tu souris, satisfait de ta mission ; le dieu de la mort a encore frappé.

FIN