Sous le clair de lune

On dit souvent que de nombreux souhaits sont soufflés à l’oreille de la lune. On dit également que la lune écoute tous ceux qui viennent la voir. Laissez-moi vous conter l’un de ces vœux.

Il était une fois un couple de fermiers qui se lamentaient de ne pas avoir d’enfants. Ils tentèrent des années durant de réaliser leur rêve mais en vain. Tous les soirs ils imploraient la lune de leur accorder ce vœu, promettant mille et une offrandes en retour. Rien n’y faisait. Enfin un soir qu’ils priaient l’astre lunaire comme de coutume, un chat noir vînt à eux.

« La lune a entendu votre prière. Bientôt un enfant vous sera offert. Mais attention, ce bébé sera aveugle, serez-vous capable de l’aimer malgré tout ? »

Les fermiers, bien trop heureux de ce cadeau du ciel, assurèrent de le chérir aveugle, sourd, laid ou même manchot. Peu importait qu’il ne soit pas parfait tant qu’ils pouvaient le serrer dans leurs bras.

Un soir de pleine lune un cri se fit entendre dans la ferme. Une petite fille était née. Elle était pâle et ses cheveux rappelaient les rayons de la lune. Comme prédit les yeux de l’enfant ne reflétaient rien, ni lumière, ni vie. Aussi pâle et argentés que le reste du corps ils faisaient penser à la toundra. Quelques secondes plus tard un miaulement se fit entendre. Le chat avait également donné naissance à un chaton argenté. Les deux nouveaux nés devinrent à partir de cet instant inséparable. On ne les voyait jamais l’un sans l’autre, chacun étant la complémentarité de son ami. Seize années passèrent ainsi. Seize années remplies de rire et de joie. Seize années pendant lesquelles les fermiers se réjouissaient de voir leur enfant s’épanouir malgré son handicap.

Malheureusement le bonheur ne dura pas et un nuage noir vînt obscurcir la ferme. Un soir, alors que la jeune fille revenait d’une ballade, un calme anormal s’abattit sur la demeure. Quelque chose n’allait pas. Elle pouvait le ressentir jusqu’en dans son âme.

« Maman ? Papa ? »

L’enfant devenu adolescente appela longuement ses parents sans qu’ils ne répondent. Elle explora chaque pièce, chaque recoin. Mais aucune trace des adultes. Son cœur se serra lorsqu’elle comprit qu’ils ne reviendraient pas. A présent elle était seule et plus rien ne sera plus pareil. Effondrée elle se laissa glisser au sol, les larmes noyant son visage. Dans le silence pesant qui l’entourait le temps semblait comme figé. Rien ne pouvait lui changer les idées. Elle n’avait plus personne. Elle était seule. Seule et perdue dans un monde dont elle ignorait tout. Comment pouvait-elle continuer à vivre ? Allait-elle seulement pouvoir survivre ?

Le temps passa, elle ne fit rien pour l’arrêter. Les heures pouvaient défiler plus rien ne lui importait. Sa souffrance l’accablait, elle n’avait que faire de ce temps cruel, assassin, qui continuait sa course après lui avoir pris ce qu’elle avait de plus précieux.

« Rends-moi ce que tu m’as pris ! » Aurait-elle voulue lui crier.

Mais à quoi bon ? Tout le monde savait que le temps égoïste ne rendait jamais ce qu’il volait.

« Puis-je trouver le bonheur ? » demanda-t-elle à la place.

Évidemment seul le silence lui répondit.

A la place le chat monta sur ses genoux, lécha ses paupières avant de se blottir contre son cœur comme pour la consoler. Alors tous deux s’endormir, épuisé par tant de peine.

A son réveil la jeune fille ressenti comme une étrange sensation. Quelque chose n’était pas normale. Même les yeux fermés elle pouvait le sentir. Pourtant impossible de savoir exactement quoi. Loin de s’en préoccuper elle se mit à chercher son chat, son seul ami, son seul allié désormais. Ors aucune trace de l’animal à ses côtés. Pas de pelage chaud sur ses cuisses, pas de ronronnement paisible non plus. Elle l’appela. Pas de réponse. Ou du moins pas celle attendue.

« Oui ? »

A peine réveillée quelques instants plutôt, l’adolescente sortie directement du sommeil. Elle ouvrit les yeux. Et les referma aussitôt.

« Je deviens folle ! »

Doucement elle rouvrit un œil hésitant. Se retînt de le refermer et ouvrit le second. Elle voulue se contenir mais un cri réussit à s’échapper de sa gorge. Elle voyait. Pas de la noirceur. Aucunes ténèbres. Mais de la lumière. Des couleurs. Des formes. Des mots dont elle n’avait jamais compris le sens. Des choses qu’elle ne pouvait pas décrire. Avec lenteur elle baissa les yeux pour se regarder. Elle prit son temps pour se découvrir. Elle voulait graver en elle cet instant magique qu’elle n’aurait jamais pu espérer. Se nourrir de ces sensations qu’elle sentait au fond d’elle. L’incompréhension, le doute mais surtout la joie. Elle voyait ! Il lui fallut du temps pour s’adapter. Sa maison, ses habitudes, ses connaissances, tout ce qu’elle savait prenait une nouvelle définition. Elle devait réapprendre à vivre avec.

 Mais surtout avec son seul ami. Son chat. Qui était devenu plus grand, moins poilu, plus bavard. Son chat qui était devenu un homme tandis qu’elle retrouvait la vue.

Elle avait voulu le bonheur, voir, être enfin heureuse.

Il avait voulu la réconforter, être quelqu’un sur qui elle pouvait compter.

Tous deux avaient prié la lune de les aider et la lune les avait entendus.

On dit que beaucoup de vœux sont murmurés à la lune. On dit aussi que la lune les écoutent tous. Si vous y croyez assez fort n’ayez pas peur de lui souffler le vôtre. Elle vous répondra sûrement.

FIN